Projection du microclimat forestier futur à l'aide d'un modèle de surface terrestre

Projection du microclimat forestier futur à l'aide d'un modèle de surface terrestre

Gabriel Hes, Inne Vanderkelen, Rosie Fisher, Jérôme Chave, Jérôme Ogée et Edouard Davin Environ. Res. Lett. 19 (2024). DOI 10.1088/1748-9326/ad1f04

 

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Contexte

Les sous-bois forestiers ont des variations de température de l'air et du sol plus faibles qu'en milieu ouvert (par exemple une prairie). En effet, les canopées des arbres amortissent les variations de température du sous-bois qui sont généralement plus fraîches que les températures extérieures en journée et en été, et moins fraîches la nuit et en hiver. C’est l’effet tampon, qui permet le développement d'un microclimat forestier et des conditions écologiques favorables aux espèces forestières. Aujourd'hui, du fait de cet effet tampon, on observe que la migration ou l'extinction locale d'espèces forestières est moins rapide que ce que l’on prédirait à partir du réchauffement climatique (un phénomène qu'on appelle parfois « dette climatique » dans les journaux scientifiques en écologie). Des études empiriques récentes suggèrent aussi que cet effet tampon pourrait se renforcer avec le réchauffement climatique, bien qu'à un rythme plus lent que le réchauffement macro-climatique. Une critique souvent de telles approches est d'extrapoler les résultats des modèles statistiques en-dehors des conditions climatiques sur lesquelles elles ont été développées.

L’objectif principal de cet article est de tester si des conclusions similaires sur le devenir de l'effet tampon en forêt seraient obtenues avec un modèle bioclimatique à base physique. Il s'agit aussi de voir si des différences dans les taux de réchauffement du microclimat du sous-bois sont observées entre différents biomes (boréal, tempéré et tropical). Pour cela, nous avons utilisé le modèle de surface terrestre CLM5.1 en appliquant le scénario de réchauffement climatique le plus fort du GIEC (SSP5-8.5).

Principaux résultats

  • Dans les forêts tropicales : fort effet tampon des températures maximales du sol et de la canopée. Cet effet tampon augmente avec le réchauffement climatique, ce qui suggère que les espèces tropicales pourraient bénéficier d’une dette climatique plus importante qu'aux hautes latitudes.
  • Dans les forêts boréales : augmentation légère de la température maximale de la canopée par rapport aux prairies. Les résultats mettent en évidence un cycle saisonnier important avec une forte augmentation de la température pendant l'hiver boréal, ce qui appelle à davantage d'études saisonnières axées sur les effets de la couverture du manteau neigeux sur le microclimat.
  • Ces résultats soulignent l'importance des canopées des forêts tropicales dans le maintien des conditions hospitalières pour les espèces de sous-bois.
  • Cette étude illustre le potentiel (mais aussi les limites) des modèles de surface terrestre pour simuler le microclimat forestier, et appelle à de nouvelles collaborations entre modélisateurs et écologues.
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Figures. (a) Carte mondiale de la moyenne annuelle de l'écart de températures maximales du sol simulées (∆Tg,max), moyennées sur la période historique (1995-2014). (d) Carte mondiale des différences de ∆Tg,max entre les périodes futures (2080-2099) et historique (1995-2014). (g) Distributions de ∆Tg max pour les périodes historique (bleu clair) et future (bleu foncé).


 

Date de modification : 19 avril 2024 | Date de création : 19 avril 2024 | Rédaction : Stéphane Thunot